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Portraits, photos et Frans Hals

Je peins mes portraits d’après modèle et non pas depuis photos. Certains trouvent cela difficile à comprendre. Généralement, ces sceptiques cherchent deux choses: de passer le minimum de temps nécessaire pour la pose et d’avoir un portrait avec le regard souriant. Une photo économiserait donc du temps et on pourrait ainsi trouver plus facilement le look souhaité (c’est à dire un regard souriant et heureux). De toute façon, de poser avec un sourire pendant plus de dix minutes est un vrai calvaire. Tout cela se comprend mais …

Comme chacun à tout moment fait part de ses émotions à travers son visage, un portrait photographique est une saisie de ces regards éphémères, de ces émotions transitoires. Par conséquent, si au moment de la prise du cliché, le sujet se sent un peu gêné, cela se verra dans la photo. Et justement nous sommes nombreux à nous sentir perturbés quand on nous prend en photo. Les photogéniques sont rares. Mais est-ce qu’il n’y a qu’à prendre un tas de photos du modèle quand il est un peu plus détendu et souriant ? En fin de compte, on devrait obtenir au moins un cliché qui ferait l’affaire… Hélas, une bonne photo, même une superbe photo, ne veut pas dire un bon portrait à l’huile.

Une photo capture rarement le caractère du sujet et ne trouve que très peu souvent le regard qui lui est tout à fait particulier. Les séances de pose donnent le temps à l’artiste de capturer les petits changements d’expression qui dévoilent le modèle. Pour l’artiste, ces longs moments sont une mine d’or, l’endroit idéal pour trouver la vraie nature et les petits détails révélateurs.

Une photo est souvent un obstacle à la bonne peinture. Elle encourage l’artiste à perdre un temps idiot sur les inessentiels (par exemple la taille et la forme exacte d’un lobe d’oreille) et le fait oublier l’unité de l’image, le tout ensemble du tableau.

Une photo est trompeuse, elle ment. Les couleurs et les tons filtrés et par la lentille optique de l’appareil et par l’imprimante ne correspondent pas aux couleurs et aux tons que l’on aperçoit à l’œil nu.

Admettons que la peinture d’après photo n’est pas propice à un bon travail. Comment alors satisfaire cette demande pour un portrait souriant? J’ai tendance à donner comme référence les grands et vénérables princes du portrait ; Sargent, Reynolds, Ingres, Velasquez et de montrer leurs œuvres innombrables de têtes où le sourire ne se présente jamais … mais hélas, il serait faux de dire que de peindre un portrait souriant d’après modèle n’est pas possible.

Frans Hals. L’homme est un maître de l’instant, un accapareur du regard fugace, un habile expert du détail révélateur. D’une époustouflante virtuosité, cet homme me remplit d’admiration, d’envie, de désespoir, d’agacement et d’un profond désir d’améliorer ma technique. Hals se moque royalement de mes difficultés et de mes explications. Pour lui, un visage souriant n’est que quelques petits coups de pinceau rapides et assurés. Voici quelques-uns de ses portraits.

Le bouffon rayonnant.

Buffoon playing a lute, Frans Hals, c.1623 – 1624, oil on canvas, 70 x 62cm, Musee du Louvre, Paris

Le gamin au fou rire.

Laughing boy, Frans Hals, oil on panel, c. 1620, 30.45cm diameter, Maurtishaus, The Hague, Netherlands

La bohémienne rusée.

The Gypsy Girl, Frans Hals, oil on panel, 58 x 52cm, 1628 – 1630, Musee du Louvre Paris

La ricanerie d’une marie-souillon

Malle Babbe, Frans Hals, oil on canvas, 75 x 64cm, 1633 – 1635, Gemaidegalerie, Berlin

L’œil amusé.

The Laughing Cavalier, Frans Hals, oil on canvas, 83 x 67.3cm, 1624, Wallace Collection, London

Voilà donc des portraits souriants d’après nature, et Hals qui a trouvé la solution il y a 400 ans! Je sens que j’ai du travail sur la planche. En attendant, je pense aux grands et vénérables princes du portrait; Sargent, Reynolds, Ingres, Velasquez et leurs œuvres innombrables de têtes où le sourire ne se présente jamais…et je me réconforte.

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